Que les douze ou treize sportifs en question aient gagné quelque chose à courir derrière une balle, en soit, j'en ai vraiment rien à foutre, ça les regarde. Mais l'explosion de joie stupide, les klaxons des impuissants en bagnole, les hordes de supporters à tête d'étudiant facho, les hurlements des "vainqueurs", je n'ai pas le devoir de le supporter.

Que, mettons, 5% de la population du pays aime la pétanque, 12% l'athletisme, 4% le judo, 16% le billard, 1% la danse, 8% les arts martiaux, ça parait naturel, c'est pas plus con que d'aimer la musique ou le théâtre.
Mais que 50% de la population aime le foot, ça n'est pas logique. Quelque soit son interêt, ce sport ne peut raisonnablement pas passionner une personne sur deux. Y'a autre chose. Cela s'appelle l'esprit grégaire, ou instinct de troupeau. Si une vache avance, le groupe suit. Un mouton bêle, les autres aussi. C'est un instinct de l'homme d'aimer faire comme les autres. Ca le rassure, il est plus fort.

On me répondra, avec un air narquois : t'es un anticonformiste, tu veux rien faire comme les autres, pour te rendre intéressant. Sauf que, par exemple, il est 3 h. du matin, et les hurlements des excités alcooliques m'emmerdent, et m'empêchent de dormir. Que pour rentrer chez moi, j'ai du en permanence éviter des automobilistes surbourrés qui, plein d'optimisme, grillaient tous les feux rouges, en roulant très vite. En l'occurence, la police, si prompte à interdire la moindre fête où y'a du boum-boum et des jeunes, est incapable de faire respecter un minimum la loi, ne la respectant plus elle-même. Et puis tout simplement, j'ai peur quand j'entends la foule qui hurle. On sait ce qu'elle sait faire, la foule. C'est elle qui ferme les yeux au passage des convois, qui brûle les livres, qui approuve la peine de mort, qui hurle après l'enfant.

On me répondra aussi, vexé : t'aimes rien, tu sais pas faire la fête. Quelle fête ? la fête de la Kro et du hurlement avec des copains skins ? Et puis j'ai jamais aimé le foot ; même à l'école, ça m'emmerdait. Au moins, au rugby, y'a des grosses brutes qui partouzent sur le gazon. Mais alors le foot, j'ai toujours pas compris. Que les choses soient claires : j'admet qu'on puisse aimer le foot, mais je ne conçois pas que 50% du pays se chie dessus tous les deux ans.

Alors, à qui profite le crime ? Comme d'habitude, quand on parle de sport, on ne parle pas du reste, de la vraie actualité, moins ludique, plus compliquée. Et on en profite pour vendre de la pub et des T-Shirts. Et puis tout le monde est content, non ? Ca change de la vraie vie, où tout le monde se déteste et s'exploite. Même Chirac, on en parle, on l'aime bien finalement, il est comme nous. Même les Italiens, ces salauds, on les aime bien. Bref, c'est comme d'habitude, du vent, du mensonge, le Spectacle qui triomphe.

Que faire ?

Un petit complément, le 22 août 2004.

Comme y'a que les imbéciles qui ne changent pas d'avis, et bah, j'ai un peu affiné mon jugement. J'ai eu le bonheur d'assister à une retransmission d'un match entre l'Algérie et, je crois, le Sénégal, dans un bar tenu par un Kabyle, mais avec une clientèle exclusivement d'Africains de l'Ouest (à part mon pote Welsh et moi qui buvions des rhums arrangés), et bah là je dis oui. Ça se chambrait d'une force ! Et avec bonne humeur, bien sûr. Quand ça se passe comme ça, j'aime bien regarder le foot. Heureusement qu'il y a la Goutte d'Or, à Paris ...